Piloter un drone n'est pas anodin car tout n'est pas permis dans l'espace aérien. Voici la réglementation à connaître pour éviter les pépins.
Faire voler son drone au-dessus de la Ville Lumière pour prendre des photos originales des monuments parisiens, c'est tentant. Mais c'est interdit. C'est pourquoi, quand au moins cinq drones sont repérés survolant l'ambassade des Etats-Unis, la Tour Eiffel ou les Invalides, la même nuit, l'affaire sent le souffre et finit sur le bureau de la police.
Sans aller jusqu'à vouloir vous aventurer près d'une centrale nucléaire, il se peut que sans le savoir, vous risquiez de vous attirer des ennuis. Vous ne voudriez pas finir comme ces particuliers qui ont écopé de 500 ou 400 euros d'amende, pour avoir volé sous la Tour Eiffel, au-dessus du quartier de La Défense, ou survolé Nancy. Voici la réglementation à connaître, puisque "nul n'est censé ignorer la loi". En tout cas, en théorie. Car en la matière, tout est surtout une question de bon sens et de "pas vu, pas pris".
La réglementation en vigueur actuellement, la première à avoir été mise en place dans le monde et l'une des plus élaborées, est déterminée par deux arrêtés d'avril 2012. Dans ces arrêtés, les drones de loisir, ceux qui sont utilisés par le grand public pour un usage personnel, correspondent aux catégories A et B. Il faut faire la distinction entre un usage sans prises de vue aériennes, et un usage avec prises de vue aérienne.
Sans caméra ni appareil photo
Le drone doit être piloté à vue (c'est-à-dire toujours visible par son utilisateur), et ne pas dépasser 150 mètres d'altitude (la moitié de la hauteur de la Tour Eiffel). Parrot, le fabricant le plus connu du grand public, plafonne l'altitude de ses drones sous la limite réglementaire, par précaution. Le survol des agglomérations et des zones peuplées est interdit, de même que le survol des espaces réglementés comme les aéroports, les centrales nucléaires, les hôpitaux, les zones militaires, etc. Par ailleurs, vous êtes censés vous assurer de toujours être en mesure de poser le drone facilement.
Oubliez donc le survol de votre ville ou village, celui de la plage sur laquelle vous passez vos vacances, ou du parc dans lequel vous amenez votre enfant. Préférez les champs, ou… votre jardin. Dans l'absolu, vous risquez un an de prison et 75.000 euros d'amende pour une infraction. Au cas où vous voudriez absolument survoler une zone peuplée, vous pouvez faire une demande au bureau local de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).
Sachez que si votre drone tombe et cause un dommage aux biens ou aux personnes, cela met en cause votre responsabilité civile. Or, en général, les contrats d'assurance classiques (contenus par exemple dans les multirisques habitation) excluent le risque "modélisme". On n'y pense pas forcément quand on achète un drone, alors que les passionnés de modélisme et des avions radiocommandés sont couverts, eux, par leur licence quand ils sont en club.
Avec une caméra ou un appareil photo
En France, on n'a théoriquement pas le droit de faire de la photo aérienne sans autorisation expresse, demandée auprès de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). La réglementation prévoit cependant une exonération de la demande d'autorisation pour la pratique "à titre occasionnel" et "à finalité de loisirs". Les arrêtés de 2012 prévoient des conditions plus restrictives. Le rayon de vol est limité à 100 mètres.
Le principal risque est lié au droit à l'image (ce qui relève du droit pénal) et à la protection de la vie privée. Attention aux images que vous postez sur les réseaux sociaux : si une personne est reconnaissable, elle peut exercer son droit à l'image. Cela ne vaut pas que pour les personnes. Vous n'êtes pas autorisés à publier sans autorisation du propriétaire la photo d'un espace privé que vous ne pourriez pas prendre depuis l'espace public, explique Ariel Dahan, avocat associé au cabinet Dahan, Dahan-Bitton & Dahan, spécialisé dans le droit du transport. Par exemple : utiliser votre drone pour photographier la piscine de votre voisin, si celle-ci n'est pas visible depuis la rue, vous expose à des représailles. N'oubliez pas qu'un drone est intrusif. Aux Etats-Unis, dans le New Jersey, un homme l'a très mal pris… Il a abattu le drone de son voisin, qui volait dans son jardin.
Une réglementation appelée à évoluer en 2015
Le marché des drones de loisir prenant du volume – ils se vendrait entre 25.000 et 50.000 drones équipés de caméras par an (hors jouets), en France, selon Parrot -, une réglementation plus lisible devient urgente. "Cette réglementation a été rédigée mal et trop vite. Elle est limitée. Elle considère de la même manière le drone et le planeur, alors que les risques et les compétences des utilisateurs ne sont pas les mêmes", explique Ariel Dahan. "Compte tenu de l'engouement pour les drones, il est impossible de ne pas faire évoluer la réglementation", renchérit Thierry Bordier, directeur général de la Fédération française d'aéromodélisme, associée aux travaux en cours à la DGAC. Des consultations publiques ont été lancées, et les nouveaux arrêtés devraient voir le jour en 2015.
Chez les spécialistes, qu'ils soient juristes, fabricants ou utilisateurs, les avis convergent : les nouveaux textes devront mieux prendre en compte les nouvelles pratiques, notamment la photo aérienne dont les conditions d'usage doivent être éclaircies, et le vol "autopiloté". L'exigence du "vol à vue" pourrait ainsi être revue. Elle permettrait notamment d'encadrer la pratique du vol programmé par GPS et du vol en suivi automatique, qui permet à un drone de suivre une cible en mouvement (pour vous filmer de haut en train de skier, par exemple). Des fonctionnalités que Parrot envisage d'ouvrir sur ses drones, nous indique Yannick Levy, responsable du développement pour la marque.
La France pourrait par ailleurs s'inspirer de l'Australie, où il existe une notice officielle rappelant la réglementation, que les fabricants doivent obligatoirement inclure dans leurs emballages. Dans l'Hexagone, aucune obligation d'information n'est imposée. Elle est laissée à la discrétion des constructeurs. Chez Parrot, l'emballage invite le consommateur à "vérifier les réglementations locales" et à "voler de façon responsable", et les grandes lignes de la réglementation sont rappelées dans un "guide de démarrage rapide".
Source : http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/piloter-un-drone-n-est-pas-sans-risque-ce-que-dit-la-reglementation_1622223.html